Malsains sans frontières.
Selon les normes internationales il faut une retombée de 15 Ci/km2 de césium 137 pour engendrer une zone interdite. C’est dix fois plus qu’il n’en faut car il y a danger mortel dès 1,5 Ci/km2. Afin d’assurer une radioprotection des populations réellement soucieuse de la vie, ce seuil devrait être divisé au moins par 10.
Bafouant toute rigueur physique et morale, il se fixe volontairement haut et écarte des dépôts assurément nocifs pour ne vouloir que d’une seule zone interdite continue et non plusieurs éparpillées au hasard des retombées chaotiques. Les effluents prolongés des centrales éventrées provoquent plusieurs zones interdites éloignées les unes des autres et non une seule idéalement couchée autour de l’épicentre.
Ce seuil assassin aux mailles trop lâches sème pourtant la mort lente et continue de mettre en danger des millions de personnes dans l’indifférence générale. Pourra-t-on jamais compter sur un sursaut d’orgueil scientifique ou un regain d’instinct de conservation ? Pourra-t-on voir enfin un jour éclore un propice amendement restrictif si ce n’est un définitif moratoire atomique ? Nous faut-il au contraire nous résigner à la prochaine et sûrement proche catastrophe ?
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Toute émanation gamma s’élevant trop intense des sols suscite bien évidemment par elle-même une zone interdite inhabitable de plus ou moins longue durée selon la période des radioéléments impliqués. L'activité « interdite » qui marque la tragique entrée d’un territoire dans la zone d’exclusion est toutefois essentiellement établie en regard des risques de contamination interne que la pollution radioactive des sols comporte. C'est leur radiotoxicité par inhalation et ingestion qui rend compte des seuils critiques assignés aux plutoniums, à l’américium et au strontium. L’activité « interdite » pour chacun de ces éléments « durables » prédominants dans le carburant nucléaire convoque un débit de dose gamma qui ne dépasse pas 7 µSv/an pour le plus agressif d’entre eux, le Sr90 avec ces 3,5 Ci « interdits »/km2. Le Cs137, autre élément majeur en cas d’effluence catastrophique, fait là cependant exception. Son activité « interdite » scandaleusement élevée de 555 KBq/m2 (15 Ci/km2) avoisine les 10 mSv/an rien que par rayonnement gamma... Sans compter là l’immanquable apport de radiotoxicité interne qui multiplie la dose absorbée et fait avouer on ne peut plus officiellement une incidence de 1 à 20 mSv/an par 1000 Bq/m2 de Cs137 selon la composition du terroir (Voir p. 30). Placer la barre « interdite » si haut affranchit des teneurs radioactives vénéneuses, rend « permissibles » des seuils d’activité qui ne le sont pas, laisse des hommes habiter des terroirs qu’il faut quitter. Par cette manipulation purement « politique » du niveau d'alerte des aires polluées par le césium bien au-delà du mSv/an « de sécurité » ont reçu en Europe le label trompeur de "zone tranquille" suite notamment aux retombées de Tchernobyl.
On le sait pourtant très bien. Aucune pollution radioactive aussi minime soit-elle n’est exempte de risques pour la tenue génétique à terme de l’espèce en raison des dommages à l’ADN accumulés au fil des générations et aussi de risques plus immédiats pour la santé des individus. Chaque mSv absorbé convoque à ce propos entre 55 et 600 victimes par million de personnes affectées d’après les estimations de divers instituts de radioprotection qui sont très loin de l’unanimité. Il va sans dire que c’est la Commission radiologique internationale, ICRP, qui avance l’expertise la plus basse en assignant un coefficient de risque fatal de 5,5% par Sv encaissé. Elle-même nous apprend, sans trop le dire cela va sans dire, que les 2,4 mSv moyens par an induits par la radioactivité naturelle entraînent 1,06 millions de morts par an à niveau mondial. Non, la radioactivité naturelle n’est pas bonne et nous ne pouvons y échapper. Y ajouter volontairement l’artificielle qui l’est encore moins est une suicidaire barbarie. La Commission Européenne (op.cit) nous apprend également, sans trop le dire cela va sans dire (1 mSv/an par KBq/m2 de Cs137), que le cataclysme « anthropique » de Tchernobyl ayant en Europe à terme impacté à au moins 50 mSv plus de 250 millions de personnes signifie que presque 688 mille en sont déjà mortes et que d’autres viendront nécessairement encore. 250.000.000 * 0,05 * 5,5% = 687.500. Nous sommes là loin des quelques victimes ressassées. Nous n’y pouvons rien. Nous suivons très fidèlement l’ICRP et la Commission Européenne.
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Les sacrifiés de Tchernobyl et d’ailleurs sont considérablement plus nombreux et plus dispersés dans l'espace et le temps qu'on ne le pense. Le nucléaire est malsain sans frontière.
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