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mercredi 22 avril 2020

Le plutonium en feu dans la zone d'exclusion de Tchernobyl


Le confinement des populations est venu cette année à point nommé. Du 5 au 19 avril, Tchernobyl a en effet entamé avant date les festivités pour l’heureux anniversaire de son explosion sur-critique prompt en propageant de nombreux incendies de prairies et de forêts le long de la trajectoire de la plus dense trainée de plutonium de sa réserve radiologique interdite.   Plusieurs dizaines de milliers d’hectares ont çà et là flambé comme de la paille jusqu’aux portes de la centrale. Les feux de surface maintenant repus couvent certainement encore dans ce sol de tourbe densément saupoudré de particules radioactives pyrophores d’uranium et de transuraniens toujours prêtes à l’ignition

Les 3 millions d’habitants de Kiev ont littéralement étouffé sous les épaisses fumées qui ont obscurci le ciel de la capitale et saturé l’air de poussières fines. Les citadins se sont à nouveau là contaminés tout autant que les villageois qui vivent au pourtour de la zone d’exclusion. Un lourd bilan sanitaire, que des incapables à vie courte s’emploient déjà à nier, est hélas à prévoir au cours des prochaines décennies. Si les vents dominants Ouest-Est qui ont soufflés durant la même période ont, semble-t-il, épargné l’Europe de l’Ouest du gros de la vague radioactive, celle-ci en subit néanmoins la contamination plutonigène retardée convoyée par la circumnavigation nuageuse autour de l’hémisphère nord. Ne doutons pas un instant que des articles scientifiques rédigés par des experts en radioprotection différée nous le feront savoir d’ici un an lorsqu’il sera trop tard. 

Nous sommes peut-être là en présence de la plus grave excursion radiotoxique jamais survenue depuis la catastrophe de 1986. C’est en tout cas ce que laisse craindre la confrontation de la carte des dépôts locaux de plutonium avec celle des incendies récents. Car cette fois-ci les feux ont progressé dans la partie la plus densément contaminée en plutonium de la zone interdite. Justement là où il y a jusqu’à 1000 KBq/m2 de plutonium. A eux seuls les calculs d’excursion plutonigène qui découlent, si l'on prend au mot la littérature, ne laissent pas d’inquiéter même s’ils négligent l’effluence concomitante d’autres radiotoxiques tels que le césium, le strontium et l’américium, même s’ils ne prennent en compte que le foyer qui s’est développé devant la centrale et que montre ici la photographie de l’ESA. (Pour compléter le travail, il faudrait un instrument de radioprotection et d’alerte civile rapide qui hélas semble ne pas exister. Il faudrait une sorte de « google maps » électronique des dépôts de la zone interdite sur laquelle aisément localiser et mesurer toutes les aires incendiées chaque fois que nécessaire.)
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Par prudence nous avons ici admis, d’une part, que le plutonium 238 participe à l’activité mentionnée alors que les cartes de dépôt ne signalent explicitement que les isotopes 239 et 240 et, d’autre part, nous avons considéré une activité totale moyenne de ces 3 radioéléments de 700 mille Bq/m2 de l’aire étudiée dans le premier scénario et de "seulement" 100 mille Bq/m2  dans le second scénario.


La combustion de 6500 hectares sur un territoire marqué en plutonium à 7 GBq/ha (700 KBq/m2, 189,19 mCi/ha) pour un inventaire surfacique total de 45,5 TBq (1,23 KCi) comportant 7,7 TBq de Pu238 -12,10 gr-, 14,94 TBq de Pu239 -6,59 kg- et 22,86 TBq de Pu240 -2,72 kg-, emporte une effluence radiotoxique située entre 1% et 10% de ce dépôt radioactif, soit de 455 GBq (12,3 Ci pour 93,2 gr au total des 3 radioéléments) à 4,55 TBq (122,97 Ci pour 931,97 gr au total des 3 radioéléments).

L'équivalent de dose interne par inhalation consubstantiel à cette radioactivité mise en suspension par les feux va, d'après les facteurs de doses officiels de l'ICRP, de 53,8 millions de Sievert dans le premier cas à 538,3 millions de Sievert dans le second cas. Autrement dit cette effluence possible transporte un potentiel toxique allant de 10,8 millions à 107,7 millions de doses létales aigües.


La combustion de 6500 hectares sur un territoire marqué en plutonium à 1 GBq/ha (100 KBq/m2, 27,03 mCi/ha) pour un inventaire surfacique total de 6,5 TBq (175,68 Ci) comportant 1,1 TBq de Pu238 -1,73 gr-, 2,13 TBq de Pu239 -941,03 gr- et 3,27 TBq de Pu240 -388,63 gr-, entraine une effluence radiotoxique située entre 1% et 10% de ce dépôt radioactif, soit de 65 GBq (1,76 Ci pour 13,31 gr au total de ces radioéléments) à 650 GBq (17,57 Ci pour 133,14 gr au total de ces radioéléments). 

L'équivalent de dose interne par inhalation consubstantiel à cette radioactivité mise en suspension par les feux va, d'après les facteurs de doses officiels de l'ICRP, de 7,7 millions de Sievert dans le premier cas à 76,9 millions de Sievert dans le second cas. Autrement dit cette effluence transporte un potentiel toxique allant de 1,5 million à 15,4 millions de doses létales aigües. 


Addendum : 1000 hectares pour 10000 Bq/m2


La combustion de 1000 hectares sur un territoire marqué en plutonium à 100 MBq/ha (10 KBq/m2, 2,7 mCi/ha) pour un inventaire surfacique total de 100 GBq (2,7 Ci) comportant 16,92 GBq de Pu238 -26,58 milligr-, 32,84 GBq de Pu239 -14,48 gr- et 50,24 GBq de Pu240 -5,98 gr-, entraine une effluence radiotoxique située entre 1% et 10% de ce dépôt radioactif, soit de 1 GBq (27,03 mCi pour 204,83 milligr au total de ces radioéléments) à 10 GBq (270,27 mCi pour 2,05 gr au total de ces radioéléments).


L'équivalent de dose interne par inhalation consubstantiel à cette radioactivité mise en suspension par les feux va, d'après les facteurs de doses officiels de l'ICRP, de 118,31 mille Sievert dans le premier cas à 1,2 million de Sievert dans le second cas. Autrement dit cette effluence transporte un potentiel toxique allant de 23,66 mille à 236,62 mille de doses létales aigües.
 
NB. Pu238: 17,21 Ci/gr et 1,10E-4 Sv/Bq, Pu239: 0,0613 Ci/gr et 1,20E-4 Sv/Bq, Pu240: 0,227 Ci/gr et 1,20E-4 Sv/Bq.


Post-Scriptum. En logique atomique au vu de la composition isotopique du carburant du réacteur dont 6 tonnes s’en sont allées avec l’explosion, 34 ans après l’excursion, il devrait y avoir également là 44 fois plus de Cs137/m2 que de Pu239-240/m2. A l’excursion de plutonium il faudra donc joindre le césium sans oublier ni le strontium, ni l’américium, ni les milliers d’autres hectares calcinés ici négligés.

Note bibliographique  en lien dans le texte d'un "paper" cosigné par 11 chercheurs. Pas un, onze sans parler des referees et des citations à tout va. Bien d'autres ici consultables. (Incendie dans la zone d’exclusion de 10.800 ha en 2015. Depuis 2015 la biomasse aurait-elle appris à retenir la radioactivité au sol pendant qu’elle brûle ou bien avons nous affaire à des estimations sans valeur ?)

About 10.9TBq of 137Cs, 1.5TBq of 90Sr, 7.8GBq of 238Pu, 6.3GBq of 239Pu, 9.4GBq of 240Pu and 29.7GBq of 241Am were released from both fire events corresponding to a serious event.

 “It has been reported that a minimum of at least 20% of labile radionuclides will be redistributed in the atmosphere after a fire, no matter whether they are deposited in the soil or biomass/vegetation. More specifically, the emission factors of labile radionuclides range from 20% in soil up to 70–100% in vegetation for intensive wildfires.
As for the refractory radionuclides, to our knowledge, no measurements of emission factors for biomass burning exist. However, we expect that the emission factor will be lower and at least half (10%) of the value used for the labile radionuclides.”

Resuspension and atmospheric transport of radionuclides due to wildfires near the Chernobyl Nuclear Power Plant in 2015: An impact assessment. N. Evangeliou, S. Zibtsev, V. Myroniuk, M. Zhurba, T. Hamburger, A. Stohl, Y. Balkanski, R. Paugam, T. A. Mousseau, A. P. Møller & S. I. Kireev, Scientific Reports, 6, 2016.



http://npe.org.ua/wp-content/uploads/2019/09/N2_organized.pdf#page=48


Effluence estimée au cours de brefs feux EXPERIMENTAUX  (1.30 h) dans la zone interdite de 9000 m2 de prairie entre autre marquée à environ 60000 Bq/m2 en Pu239-240 et 8770 m2 de pinède entre autre marquée à 21000 Bq/m2 en Pu239-240. (La pinède dont seule la litière, source principale de l'effluence radioactive car beaucoup plus contaminée que ne l'est le bois, a pris feu comportait 24 kg/m2 de bois (240 t/ha) marqué à 4,3 Bq/kg en Pu238-239-240 et 2,3 kg/m2 de litière forestière (23 t/ha) marquée à 384 Bq/kg en Pu238-239-240.) En outre si l'on généralise les observations radiologiques accomplies avant l'incendie volontaire des parcelles -mais hélas non également après afin d'estimer l'activité rémanente des cendres-, la biomasse forestière de la zone interdite concentrerait l'équivalent de 3,25% de l'activité au sol du Pu239-240, 3,10% de l'activité au sol du Pu238, 12% de l'activité au sol du Cs137 et 53,56% de l'activité au sol du Sr90.

During the forest fires, up to 3 - 4% of 137Cs and 90Sr and up to 1% of the Pu isotopes can be released from the forest litter. The released fraction of the radionuclides during the forest fires may even be bigger if the source of release is a large-scale and is a very intensive fire, since in this case a bigger burn-up of the combustible material can be expected.
Craindre la radioactivité des feux de biomasse n’est hélas pas une vue de l’esprit. Imaginer toutefois que 99% de la radioactivité, qui plus est incorporée dans la biomasse en particules ultra fines très volages de par leur taille infinitésimale, reste sagement à terre durant les incendies est par contre une vue pathologique de l'esprit. A ce propos et en dépit du fait que les auteurs reconnaissent que l'effluence dépend de l'intensité des incendies, l'absence dans cette périlleuse étude contaminante d'analyses radiologiques des terrains après les feux la décridibilise pour son manque de rigueur scientifique et ravale à  propagande négationniste ses conclusions dosimétriques rassérénantes. Faute de démontrer que les cendres contenaient encore là environ 99% du plutonium initial des plantes, les estimations minimalistes d'effluence avancées sont dépourvues de tout fondement solide. Que seulement 1% du plutonium ait pris là le chemin des airs alors que certainement plus de 1% de la litière s'en est allée en fumée n'est pas prouvé. La radiodétection aérienne du plutonium durant les feux est imparfaite et ne suffit pas pour quantifier correctement les émanations.


4 commentaires:

  1. C'est une énorme catastrophe. Et je crois savoir que le réacteur s'enfonçait en direction du magma....

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  2. La seule chose que nous puissions faire est de solliciter des réponses franches et directes et aussi espérer que les relevés réels (à supposer qu'on nous les fasse connaitre) démentent au moins les plus pessimistes des scénarios.

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  3. ils nous la refont comme en 86 : ... "on ne craint rien"... lamentable :'(
    par contre je me demandais si le port du masque pourrait nous protéger ???

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  4. "ils nous la refont comme en 86 : ... "on ne craint rien"... lamentable :'(
    par contre je me demandais si le port du masque pourrait nous protéger ??? "

    Mais certainement, aussi bien que pour une balle de fusil...
    Il suffit de ne pas être sur la trajectoire.

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