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lundi 21 janvier 2008

Les essais atomiques en Polynésie.


1 : Les essais atomiques atmosphériques.

La France a effectué 46 essais atomiques atmosphériques en Polynésie pour une puissance totale de plus de 10.000 kt
[1] d’équivalent de TNT dont 6170 kt de fission et 4030 Kt de fusion. Les chiffres officiels, certifiés par l’ancien ministre de la défense de la France, sont publiquement exposés dans "La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie. A l'épreuve des faits".

A partir des données publiées sur l’altimétrie et la puissance de chaque tir on peut aisément constater que la boule de feu a touché le sol dans 17 de ces essais atmosphériques (37%). Dans ces 17 essais le rayon de la boule de feu est en effet supérieur à l'altitude de l'explosion. (Le rayon moyen d’une boule de feu atomique se calcule avec l’équation suivante: 54,8 mètres * kt à la puissance 0,4.) Il s’en suit qu’on a «créé» là 17 zones interdites où la contamination au sol est maximale et éternelle.

Comment à partir des kt (publics) déduire la charge initiale (secrète) employée (kg de matière fissile)?

1: Il faut simultanément fissionner tous les atomes (1,45E23) contenus dans environ 57 grammes (0,057 kg) de Pu239 (57,32 gr pour l'exactitude) ou de U235 (56,36 gr pour l'exactitude) pour obtenir une puissance de détonation de 1 kt. La France a donc eu besoin de fissionner pour ses essais atmosphériques environ 8,94E26 atomes (1,45E23 * 6170 kt = 8,94E26 atomes) c'est-à-dire environ 351 kg de matière nucléaire. (6170 kt * 0,057 kg = 351 kg.

2: La partie fissionnée ne représente toutefois que de 10% à au plus 18% de l’ensemble de la matière fissile présente dans l’engin. Pour garantir une détonation atomique il faut en effet disposer pratiquement de 5,5 à 10 fois plus d'explosif nucléaire par kilotonne qu’il n’en est théoriquement nécessaire. Pour les détonations de la France on sait qu’au plus 10% de la masse fissile a fissionné
[2]. (En gros pour "exploser" 57 grammes - 1 kt- la France a en moyenne employé 570 gr d'explosif.) Donc la France a au minimum employé 351 kg * 10 = 3510 kg (3,5 tonnes) de matière fissile pour ses essais atmosphériques en Polynésie.

3 : En résumé au moins 3 tonnes de résidus non consommés (ou activés) des engins et au moins 0,35 tonnes de produits de fission ont été injectés sous forme de micro et nanoparticules dans la biosphère par les essais atmosphériques en Polynésie française. (Une explosion atomique atteint 100 millions de degrés et pulvérise toute la masse de matière employée en particules radioactives flottantes ultra-fines qui se comportent comme des gaz et se dispersent dans la biosphère.) 20% de ces débris sont retombés, en partie sur le Pacifique sud en partie sur le monde entier, et 80% sont encore en circulation aérienne et le resteront quasiment pour l’éternité.

4: Rien qu’en produits de fission de demie-vie supérieure à 1 année qui représentent environ 77 kg des 351 kg des produits de fission issus des détonations, la France a injecté dans l’atmosphère que nous tous respirons la bagatelle de 14 millions de Curie, 511 millions de milliards de Becquerel. A cela s’ajoutent les résidus de matière fissile non consommée (ou activée) à savoir au moins 3 tonnes de nanoparticules d’uranium 235 et de plutonium 239 à dispostion des poumons de l’entière humanité. Or, même si la plus tardive à se manifester, la contamination interne par les radioéléments est la plus dangereuse des formes de la radioactivité.

2 : Les essais souterrains en Polynésie française: où sont passés 1000 kg de plutonium ?

Dans ce même document officiel on lit par ailleurs que la France a explosé environ 3000 kt d’équivalent de TNT en 137 essais atomiques souterrains en Polynésie
[3].

I : Sachant, comme nous l’avons vu, qu'il faut fissionner environ 57 grammes d’uranium ou de plutonium pour obtenir 1 kt
[4] la France au minimum a donc fissionné environ 171 kg de matière nucléaire pour ces essais souterrains. (3000 kt * 57 gr = 171.000 grammes ou 171 kg.)

II : Sachant également que la fraction fissionnée de l’explosif ne représente, selon la publication, que 10%
[5] de la charge nucléaire des engins (1/10), pour l’ensemble des essais souterrains, il a donc fallu utiliser au moins 1710 kg de charge fissile. (171 kg * 10 = 1710 kg.). Or dans le rapport (et celui de l'AIEA)[6] sur les restes de plutonium dans les sous-sols on lit que gisent là 1100 TBq de Pu239 (c’est-à-dire 1,1E15 Bq) ce qui traduit en poids signifie 478,875 kg de plutonium 239. (L’opération suivante permet de calculer le poids de matière à partir de l’activité relevée: Activité observée Bq/Activité spécifique Bq/gr = Poids en gr. 1,1E15/2,29E9 = 478,875 kg. N.B. Pu239, demi-vie 24110 ans; 1 Ci = 16,1 gr; 0,062 Ci/gr ou 2,3E9 Bq/gr.)

III : Au total on décompte au moins 1710 kg de plutonium dans les charges
[7] dont 10% (171 kg) ont fissionné mais on trouve seulement 478,875 kg de « résidus non consommés » de plutonium dans les cavités ? Là où l’on attend 1539 kg de plutonium résiduel on n’en « découvre » que 478,875 kg ! A l’épreuve des faits les comptes s’affolent. Il manque plus de 1000 kg de plutonium à l'appel ! C’est là une flagrante inconséquence physique.
1710 - (479 + 171) = 1060 kg
Charge - (Résidus + Fiss.)

Que conclure ?

1 Les kt obtenus au cours de ces essais souterrains sont-ils délibérément sur-évalués ? Dans cette hypothèse tout au plus 48 kg auraient été fissionnés pour un total de 842 kt et non pas 171 kg pour 3000 kt. (48000gr/57gr = 842 Kt).

2 Les "résidus non consommés" sont-ils délibérément sous-évalués autant par la France que par l'AIEA ? Dans cette hypothèse il y aurait au moins 1539 kg de plutonium pour 3535 TBq dans le sous-sol et non pas seulement 478 kg pour 1100 TBq.

3 La tonne hypothétique manquante (1061 kg de Pu239 pour 2437 TBq) signifie-t-elle des fuites dans les cavités, ou des explosions thermonucléaires souterraines ?

4 Les nombreuses autres et faussement rassurantes données radiologiques présentées dans la publication (dépôts de nuclides dans le sol, les plantes, l'eau, l’air etc.) sont-elles crédibles ? Comment croire que les « savants nucléaires » qui commettent d’aussi grossières erreurs dans les calculs des dépôts résiduels assurent la radioprotection des soldats et des populations ? Comment croire que ces « savants nucléaires » qui se trompent (ou falsifient ?) aussi magistralement ne trompent pas ipso facto leur propre armée, leur propre chef d’état et leur propre peuple ? Comment croire en effet qu’ils soient en mesure de leur fournir des éléments véridiques pour une prise de décision politique rationnelle ? Quel taux de contamination subira le pacifique lorsque la falaise malmenée de Mururoa un jour ou l'autre s'effondrera
N’est-ce pas là une magistrale consécration de la contamination universelle de l’homme ? On est en droit de le demander.


N.B. Aucune mention de U235 dans les sous-sols n'est faite. Il faut donc croire qu'on n'a employé que des charges au plutonium dans les essais souterrains.

Paolo Scampa
Vice-président de l’AIPRI.
Association Internationale pour la Protection contre les Rayons Ionisants

[1] 1 kt = 1000 tonnes

[2] La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie. A l'épreuve des faits, P.54 : Chapitre : Matières nucléaires non consommées -Lors d’une explosion nucléaire, les réactions de fission consomment de l’ordre de 10% de la totalité de la matière fissile de l’engin testé.-

[3] P.360 -L’ensemble des essais sur le site du CEP a été d’environ 13.000 Kt. 10.000 kt pour les essais atmosphériques et environ 3000 kt pour les essais souterrains.-

[4] Ce que le document souligne également p. 55 -La libération d'une énergie équivalente à l’explosion de 1 kt de TNT est réalisée par la fission complète d’environ 57g de 239Pu.-

[5] D’autres nations parviennent à fissionner jusqu’à 18% de la charge. C’est là le maximum atteint.

[6] P.322 Chapitre : Activité résiduelle confinée dans le sous-sol. Tableau 75.

[7] Ce qui donne en moyenne 12,4 kg de plutonium pour chacune des 137 explosions atomiques souterraines pour une moyenne idéale de 21,8 Kt par explosion, à supposer que tous les atomes fissionnés contribuent ici à l’énergie d’explosion. (Ce qui est manifestement inexact car la réaction en chaîne consomme de manière « non explosive » au moins 50 générations de fissions « d’amorçage » (il y a environ 2,7 neutrons « utiles » par fission) avant de parvenir, en moins d’une microseconde, au nombre critique de fissions simultanées ou quasiment simultanées amenant à l’explosion. Cf le chapitre 1.54, Time scale of a fission explosion, in The effects of nuclear weapons, S. Glasstone, P. Dolan, United States of Departement of Defense and Energy Research and Development Administration, 1977.) Ce qui signifie que « tout ce qui fissionne dans une bombe n’explose pas ». Seulement une fraction, même si très importante, de ce qui fissionne est disponible pour l’énergie d’explosion et contribue aux Kt.)

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